Ostéoporose dans les maladies endocriniennes : FRAX et bisphosphonates

Ostéoporose dans les maladies endocriniennes : FRAX et bisphosphonates

Quand votre thyroïde fonctionne trop, votre diabète de type 1 n’est pas bien contrôlé, ou vos hormones sexuelles chutent après une ménopause précoce, vos os paient le prix fort. L’ostéoporose n’est pas toujours une question d’âge ou de manque de calcium. Dans les maladies endocriniennes, elle est souvent une conséquence directe d’un déséquilibre hormonal qui détruit l’équilibre naturel de votre squelette. Et pourtant, beaucoup de patients ne le savent pas - ou ne sont pas dépistés à temps.

Comment les déséquilibres hormonaux détruisent vos os

Vos os ne sont pas des structures inertes. Ils se renouvellent constamment : des cellules appelées ostéoclastes dégradent l’ancien tissu osseux, tandis que les ostéoblastes en construisent du nouveau. Ce cycle, appelé remodelage osseux, est régulé par des hormones. Quand ces hormones sont en déséquilibre, le processus se désorganise. Les ostéoclastes deviennent trop actifs, les ostéoblastes ralentissent, et vous perdez de la masse osseuse - sans douleur, sans symptôme, jusqu’au jour où vous tombez, et votre hanche ou votre vertèbre se casse.

Dans le diabète de type 1, le risque de fracture est 6 à 7 fois plus élevé, même si la densité minérale osseuse (DMO) semble normale. Pourquoi ? Parce que le manque d’insuline altère la formation osseuse et affaiblit la qualité du tissu osseux. Dans l’hyperthyroïdie non traitée, le surplus de thyroxine accélère la résorption osseuse de 15 à 20 %. Chez les hommes sous thérapie de déprivation androgène pour un cancer de la prostate, la perte osseuse peut atteindre 2 à 4 % par an. Même une ménopause avant 45 ans peut déclencher une perte osseuse rapide, comparable à celle observée chez les femmes âgées.

FRAX : l’outil qui voit ce que la DEXA ne voit pas

La DEXA mesure la densité osseuse, mais elle ne dit pas tout. Deux personnes avec la même DMO peuvent avoir des risques de fracture totalement différents. C’est là que FRAX entre en jeu. Développé par l’Université de Sheffield en 2008, FRAX est un algorithme gratuit qui calcule votre risque de fracture majeure (hanche, col du fémur, poignet, vertèbres) sur 10 ans. Il prend en compte 7 facteurs cliniques : votre âge, votre sexe, votre IMC, vos fractures passées, l’histoire familiale de fracture de la hanche, votre tabagisme, votre consommation d’alcool, l’usage de corticoïdes et l’arthrite rhumatoïde.

Et il intègre aussi les maladies endocriniennes. Mais attention : si vous avez un diabète de type 1, FRAX sous-estime votre risque d’environ 30 %. C’est un point crucial. Un patient de 65 ans, non fumeur, avec un IMC de 25, sans autre facteur de risque, a un risque de 1,3 % de fracture de la hanche sur 10 ans - selon FRAX sans DEXA. Mais si c’est un patient diabétique de type 1, ce risque réel est plus proche de 1,7 %, voire plus. Et pourtant, FRAX ne le reflète pas encore parfaitement.

Les experts recommandent donc d’ajouter la TBS (Trabecular Bone Score) à FRAX. Ce score, calculé à partir des images DEXA, évalue la qualité micro-architecture de l’os. Il est particulièrement utile dans les maladies endocriniennes, où la structure osseuse est fragile même si la densité semble normale. En 2023, les lignes directrices du NIH soulignent que la TBS améliore la précision du diagnostic chez les patients avec troubles hormonaux.

Médecin analysant l'algorithme FRAX avec des facteurs de risque et un score sous-estimé pour le diabète.

Quand faut-il traiter avec des bisphosphonates ?

Les bisphosphonates - comme l’alendronate (Fosamax), le risedronate (Actonel) ou l’acide zoledronique (Reclast) - sont la première ligne de traitement. Ils bloquent les ostéoclastes, ralentissent la dégradation osseuse, et réduisent le risque de fracture vertébrale de 40 à 70 %, et celui de fracture de la hanche de 40 à 50 %.

Les critères pour les prescrire sont clairs, même chez les patients avec maladies endocriniennes :

  • DMO avec un T-score ≤ -2,5
  • Fracture de hanche ou de vertèbre antérieure
  • DMO entre -1 et -2,5 + risque FRAX ≥ 20 % pour fracture majeure ou ≥ 3 % pour fracture de la hanche

Ces seuils sont les mêmes pour tout le monde - y compris pour les patients diabétiques, hypothyroïdiens ou en carence hormonale. Mais la prise en charge doit être plus vigilante. Par exemple, un patient avec plusieurs fractures récentes, même avec une DMO modérément basse, est considéré comme à très haut risque. Dans ce cas, les lignes directrices de l’AACE/ACE recommandent une thérapie plus agressive, parfois avec des médicaments d’action plus rapide comme le romosozumab, avant de revenir aux bisphosphonates.

La durée du traitement varie. Pour les bisphosphonates oraux, 3 à 5 ans sont généralement suffisants. Pour l’acide zoledronique, administré en perfusion annuelle, 3 ans sont recommandés. Après cela, on réévalue le risque avec FRAX et la DEXA. Certains patients peuvent entrer dans une « pause thérapeutique » - on arrête le traitement, mais on surveille de près. Pour d’autres, surtout ceux avec des maladies endocriniennes persistantes, le traitement est prolongé.

Patient recevant un traitement par bisphosphonate avec symboles de guérison osseuse et durée de traitement.

Les erreurs courantes à éviter

Beaucoup de médecins font une erreur : ils attendent que la DEXA montre une ostéoporose avant d’agir. C’est trop tard. Dans les maladies endocriniennes, la perte osseuse est rapide. Il faut agir dès que les facteurs de risque sont identifiés - même si la DEXA est normale.

Autre erreur : ne pas traiter les causes sous-jacentes. Un patient diabétique qui prend des bisphosphonates mais garde une glycémie mal contrôlée ne verra pas son risque de fracture baisser. Un patient hyperthyroïdien qui ne reçoit pas de traitement pour sa thyroïde continuera à perdre de l’os, peu importe le médicament contre l’ostéoporose. Le traitement de l’ostéoporose dans ces cas est toujours complémentaire à la prise en charge de la maladie endocrine.

Enfin, beaucoup oublient la TBS. Ce score n’est pas disponible partout, mais il devrait l’être. Il est simple à calculer à partir des images DEXA déjà réalisées. Et dans les maladies endocriniennes, il peut changer la décision de traitement.

Quel avenir pour la prise en charge ?

Les chercheurs travaillent déjà sur des améliorations. En 2023, la Bone Health and Osteoporosis Foundation a lancé des essais pour créer une version de FRAX adaptée au diabète de type 1. Les premiers résultats montrent une amélioration de la prédiction du risque de fracture de 25 %. D’autres projets explorent des biomarqueurs sanguins qui mesurent directement la dégradation osseuse - des indicateurs plus sensibles que la DEXA.

À terme, l’intelligence artificielle pourrait intégrer FRAX, la TBS, les données génétiques, les habitudes de vie et les résultats biologiques pour prédire le risque de fracture avec une précision inédite. D’ici 2025, selon l’Endocrine Society, 85 % des endocrinologues utiliseront des versions ajustées de FRAX pour les patients avec troubles hormonaux.

Mais pour l’instant, la règle reste simple : si vous avez une maladie endocrine connue et que vous avez plus de 50 ans, ou si vous êtes une femme post-ménopausée, demandez un dépistage. Pas seulement une DEXA. Un FRAX complet. Et si votre risque est élevé, ne laissez pas passer l’occasion de protéger vos os. Une fracture, c’est une perte d’autonomie. Et dans les maladies chroniques, chaque jour sans fracture compte.

FRAX peut-il sous-estimer le risque de fracture chez les patients diabétiques de type 1 ?

Oui. FRAX sous-estime le risque de fracture chez les patients atteints de diabète de type 1 d’environ 30 %, car il ne prend pas en compte la détérioration de la qualité micro-architecture osseuse, qui est courante dans cette maladie. Même avec une densité osseuse normale, le risque de fracture est 6 à 7 fois plus élevé. L’ajout du TBS (Trabecular Bone Score) ou l’utilisation de versions ajustées de FRAX en cours de développement permettent d’améliorer cette précision.

Les bisphosphonates sont-ils efficaces pour les patients avec hypothyroïdie ou hyperthyroïdie ?

Oui, mais seulement si la maladie thyroïdienne est bien traitée. En cas d’hyperthyroïdie non contrôlée, les bisphosphonates auront peu d’effet, car le déséquilibre hormonal continue de dégrader les os. Une fois la thyroïde stabilisée, les bisphosphonates réduisent efficacement le risque de fracture, comme chez les autres patients. Pour l’hypothyroïdie bien traitée, le risque osseux revient à la normale et les bisphosphonates ne sont généralement pas nécessaires sauf si d’autres facteurs de risque sont présents.

Faut-il faire une DEXA à tout le monde avec un trouble endocrinien ?

Non. Les lignes directrices du NIH recommandent de ne pas faire de DEXA systématique. Il faut d’abord évaluer le risque avec FRAX. Si le score FRAX est faible, la DEXA n’est pas nécessaire. Si le score est élevé (≥ 9,3 % de risque de fracture majeure sans DEXA), alors une DEXA est indiquée. Cette approche évite les examens inutiles et cible les patients à risque réel.

Combien de temps dure le traitement par bisphosphonate chez les patients endocriniens ?

Pour les bisphosphonates oraux, 3 à 5 ans sont recommandés. Pour l’acide zoledronique (perfusions annuelles), 3 ans. Après ce délai, on réévalue le risque avec FRAX et une nouvelle DEXA. Si le risque reste élevé, le traitement peut être prolongé. Si le risque est tombé en dessous du seuil, une pause thérapeutique est possible, avec suivi régulier.

La TBS est-elle disponible partout ? Faut-il la demander explicitement ?

La TBS n’est pas encore disponible dans tous les centres de radiologie, mais elle peut être calculée à partir des images DEXA standard. Il faut la demander explicitement à votre médecin ou au radiologue, surtout si vous avez une maladie endocrinienne. Elle n’ajoute pas de coût supplémentaire, car elle utilise les mêmes images. Son utilisation est recommandée par le NIH pour les patients avec troubles hormonaux.

Laisser des commentaires