Le QT prolongation n’est pas une maladie en soi, mais un signal d’alerte grave sur un électrocardiogramme (ECG). Il signifie que le cœur met trop de temps à se recharger entre deux battements - un délai qui peut déclencher une arythmie mortelle appelée torsades de pointes. Cette condition n’est pas rare : plus de 200 médicaments courants, pris par des millions de personnes, sont capables de la provoquer. Et pourtant, beaucoup de patients, et même certains médecins, ne savent pas qu’ils prennent un risque invisible.
Le QT sur un ECG représente le temps entre le début de la contraction du ventricule et sa relaxation complète. Quand ce délai s’allonge, les cellules cardiaques restent électriquement excitables plus longtemps. Cela crée un terrain propice à des boucles de courant anormales - comme un court-circuit dans un système électrique. Le principal coupable ? La blocage du canal hERG, une porte ionique essentielle pour rétablir l’équilibre électrique du cœur. Beaucoup de médicaments, même ceux qui n’ont rien à voir avec le cœur, bloquent ce canal par accident.
Les antiarythmiques de classe III, comme le sotalol ou le dofetilide, sont conçus pour allonger le QT pour arrêter les arythmies. Mais c’est comme jouer avec le feu : ils réduisent les battements rapides… en augmentant le risque d’un autre battement encore plus dangereux. Le sotalol, par exemple, provoque des torsades de pointes chez 2 à 5 % des patients. L’amiodarone, bien qu’elle allonge aussi le QT, est moins dangereuse - environ 0,7 à 3 % de risque - parce qu’elle agit sur plusieurs canaux, ce qui équilibre les effets.
On pense souvent que seul un cardiologue prescrit des médicaments dangereux pour le QT. Ce n’est pas vrai. Les médicaments les plus fréquemment impliqués viennent de d’autres spécialités.
Le pire ? Ce ne sont pas toujours les médicaments seuls qui posent problème. C’est leur combinaison. Une étude de 2017 a montré que prendre deux médicaments à risque - par exemple, l’halopéridol + l’ondansetron - multiplie le risque par 5. Et dans 68 % des cas de torsades rapportées, les patients prenaient au moins deux de ces médicaments en même temps.
Le risque n’est pas le même pour tout le monde. Certaines personnes sont plus vulnérables, même avec une dose normale.
Le QT corrigé (QTc) est la valeur que les médecins regardent. Il ajuste la durée du QT selon la fréquence cardiaque. La règle simple : un QTc > 500 ms est un signal rouge. Si la valeur dépasse ce seuil, le risque de torsades augmente de 3 à 5 fois.
Un autre indicateur : une augmentation de plus de 60 ms par rapport à votre QTc de base. Même si vous étiez à 420 ms, un saut à 490 ms après une nouvelle prise de médicament doit alerter.
Les experts ne s’accordent pas sur tout. Certains, comme le Dr Paul Armstrong, estiment que le risque absolu est si faible (moins de 1 cas pour 10 000 patients/an) que faire un ECG à tout le monde est inutile et coûteux. Mais d’autres, comme la Société européenne de cardiologie, recommandent un ECG avant tout traitement à haut risque - surtout si vous avez un ou plusieurs facteurs de risque.
Vous ne devez pas arrêter un traitement sans consulter votre médecin. Mais vous pouvez agir intelligemment.
La médecine évolue. Depuis 2013, l’initiative CiPA (Comprehensive in vitro Proarrhythmia Assay) a remplacé la simple mesure du QT par des tests plus sophistiqués. Les laboratoires testent maintenant les médicaments sur plusieurs canaux ioniques, et utilisent des modèles informatiques pour prédire le risque réel. Résultat ? Plus de 22 médicaments ont été abandonnés entre 2016 et 2022 à cause de ce risque. C’est un coût élevé, mais c’est ce qui sauve des vies.
Des algorithmes d’intelligence artificielle, testés en 2024, peuvent désormais prédire le risque de torsades avec 89 % de précision en analysant des détails invisibles sur l’ECG - bien au-delà du simple QTc. Et la recherche génétique identifie de plus en plus de variantes qui rendent certaines personnes plus sensibles.
Le message est clair : le QT prolongation n’est pas une erreur technique. C’est une alerte biologique. Et les médicaments qui le provoquent ne sont pas des « exceptions » - ils sont dans nos armoires à pharmacie.
Le QT prolongation est un allongement anormal du temps entre le début de la contraction du ventricule et sa relaxation complète, mesuré sur un électrocardiogramme. Cela signifie que le cœur met plus de temps à se recharger électriquement, ce qui peut déclencher une arythmie grave appelée torsades de pointes.
Les plus à risque incluent les antiarythmiques comme le sotalol et le dofetilide, les antibiotiques comme l’érythromycine et la clarithromycine, les antipsychotiques comme l’halopéridol et le ziprasidone, les antiémétiques comme l’ondansetron, et certains antidépresseurs comme la citalopram. La méthadone est aussi fortement associée à ce risque, surtout à haute dose.
Pas toujours. Un léger allongement sans facteur de risque associé (comme un déséquilibre électrolytique ou une combinaison de médicaments) est souvent sans conséquence. Le danger survient quand le QT corrigé dépasse 500 ms, ou augmente de plus de 60 ms par rapport à la valeur de base, surtout chez les femmes, les personnes âgées ou celles ayant un cœur fragile.
Oui, si vous prenez un médicament classé à haut risque par CredibleMeds.org, ou si vous avez au moins un facteur de risque : plus de 65 ans, antécédents cardiaques, traitement par diurétiques, ou prise simultanée d’un autre médicament à risque. Un ECG de base permet de poser un repère et de détecter un changement dangereux après la prise du médicament.
Non, sans avis médical strict. La combinaison d’ondansetron et d’antipsychotiques comme l’halopéridol est l’une des plus dangereuses. Elle multiplie le risque de torsades de pointes par 5. Des cas d’arrêt cardiaque ont été rapportés après cette association, même à doses normales.
Oui, mais seulement si vous arrêtez le médicament à risque. Le QT revient à la normale en quelques jours à quelques semaines après l’arrêt, selon le médicament. Mais si vous continuez à le prendre, le risque persiste, et peut même augmenter avec la durée, surtout si vous avez d’autres facteurs comme un faible potassium.
Consultez le site CredibleMeds.org, la référence mondiale. Il classe les médicaments selon leur risque de provoquer des torsades de pointes. Vous pouvez aussi demander à votre pharmacien ou vérifier la notice du médicament - les avertissements sur le QT prolongation y sont désormais obligatoires dans la plupart des pays.
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